Misère conjugale

Il y a quelques jours, je suis tombé sur la couverture d’un magazine dont l’intitulé m’a estomaqué : « ce soir, je n’ai pas envie… dois-je refuser ou simuler ? » L’horreur de la situation décrite m’a sauté aux yeux. Ce magazine ne faisait rien d’autre que banaliser un viol.

Des femmes, tous les jours, sont violées sous leur toit, par leurs maris, qui n’en a d’ailleurs souvent pas même conscience. Mais ce viol est accepté par tout le monde, car c’est bien connu, quand on est avec quelqu’un, on lui appartient, on ne peut pas ne pas avoir envie de faire l’amour avec lui, sinon c’est qu’on ne l’aime pas. Une bonne épouse (ou compagne, ce schéma se reproduisant à tout âge, même chez des couples « modernes ») se tait quand elle se fait baiser (car elle se fait baiser, elle ne « baise pas avec » voyons !!!) ne désire que son mari (ou compagnon), l’idée de regarder un autre homme ne l’effleure même pas. Mais cette image de petit couple modèle fini un jour ou l’autre par se craqueler. Alors on divorce, ou on consulte un sexologue, et si rien ne viens et qu’on ne peut divorcer à cause des enfants et de l’entourage, ou tout simplement parce qu’on AIME cette personne ben on serre les dents, et on continue à se faire violer.

Aujourd’hui une femme qui joui est quelque chose de mieux accepté il est vrai, mais à condition que cela soit dans le cadre du couple monogamique. L‘image du mari qui s’inquiète quand il voit sa femme avoir un retour de libido, imaginant alors qu’elle a un amant, n’est pas très éloignée de la réalité. La plupart des personnes sont incapables de passer leur vie sexuelle avec la même personne. C’est un fait. Malgré cette évidence, j’ai eut à subir des discutions interminables avec des gens qui trouvaient ma sexualité scandaleuse (alors que je ne me suis jamais permise de donner des leçons à quiconque), m’expliquant « c’est sûr que ton mec il doit être malheureux » « tu dois avoir un problème sexuel avec lui pour faire ça » « ça va mal finir un jour » etc. Pourtant, quand je disais à ces gens « mais tu crois que tu vas rester avec ton/ta copain/copine toute ta vie il me disaient « ah non ça va pas !!!! » tout simplement conscients qu’ils seront incapables de se satisfaire d’un partenaire sexuel. Cela signifie, inévitablement, le déchirement (en quittant une personne qu’on aime, ou en la « trompant » et culpabilisant horriblement) ou la résignation sexuelle. Alors que les personnes étant honnêtes avec elles-mêmes et la (ou les ça peut arriver) personnes qu’elles aiment, c'est-à-dire pratiquant l’amour libre, peuvent imaginer passer la vie avec la personne qu’elles aiment. Car si cet amour ne faiblit pas, il n’y a aucune raison que la relation s’arrête.

Les couples que l’on voit aujourd’hui vivent souvent sans être mariés (malgré un retour des valeurs du mariage ces temps-çi), vivent parfois sans enfants, parlent souvent de sexualité librement et ne durent pas plus que quelques années. Ils sont loin de l’image bigote d’autrefois. Pourtant, qu’ont-ils de si différents ? Passé la passion des premiers temps la dure réalité revient vite, même chez les plus jeunes. Le carcan de la fidélité va alors faire son travail : enchaîner les gens dans une morale bourgeoise, les habituer à appartenir à quelqu’un (on a souvent cette expérience avec nos parents), à faire des concessions dans la recherche du plaisir (« y’a pas que le cul dans la vie »), à serrer les dents malgré la frustration. On va alors se rattacher à ce qu’il nous reste : l’idée que, si on est un couple fidèle, c’est qu’on est équilibré et heureux. Que « notre » amour est comblé avec nous vu qu’il ne va pas voir ailleurs… Que l’épreuve qu’on traverse ne fait que renforcer notre amour…

(Attention ça va chauffer)

FOUTAISES !!!!!!!!!!

Sous le vernis neuneu guimauve mignon de la fidélité romantique se cache une morale religieuse et capitaliste impitoyable qui conduit les êtres à des actes tristes, illogiques voire tragiques. Le viol conjugal et le meurtre passionnel en sont les plus spectaculaires et les plus horribles. Mais ils ne sont que l’expression brutale d’une multitude d’attitudes que le couple monogamique provoque, dont je viens de vous en décrire quelques-unes… Mais le pire, c’est que la mythe de fidélité=amour est présent dans tous les milieux y compris révolutionnaires. Des gens qui auront une analyse tout à fait critique sur des tas de sujets deviendront incroyablement agressifs et butés lorsqu’on évoque la possibilité d’avoir une sexualité différente. Les pseudos-féministes révolutionnaires qui combattent le patriarcat sans remettre en cause la famille bourgeoise feraient mieux de retourner pisser dans un violoncelle. Accuser les patrons, les flics, les politiciens de tous les maux est facile, mais lorsqu’il s’agit de se remettre en cause soi-même dans un comportement oppressif cela devient beaucoup plus difficile… Alors, quand elles rencontrent quelqu’un (en particulier une femme, un homme qui va voir ailleurs tout en continuant à aimer sa compagne est beaucoup plus concevable pour eux) qui a une sexualité et une vie de couple totalement épanouie, qui ne ment jamais à son « amoureux » (parce que qu’on a souvent une préférence pour une personne, avec qui on a envie d’être très souvent, il n’y a aucun mal à cela, cela n’empêche pas d’avoir une sexualité épanouie) parce qu’elle n’a rien à cacher, et qui assume totalement ses « amants » (entre guillemets car il n’y a pas là d’idée de tromperie) ces personnes vont être extrêmement perturbées (leur oppression leur reviendrais t-elle à la gueule ?) et vont se sentir obligées, pour se rassurer, de ramener la brebis égarée au troupeau, en lui expliquant ô combien son comportement est anormal. Et lorsque ces gens sont malheureux parce que leur « chéri(e) » est allé voir ailleurs, ou qu’ils sont obligés de le quitter parce qu’ils n’en peuvent plus de pas baiser ailleurs, et que le « dépravé » de son coté continue tranquillement sa vie amoureuse, l’illogicité de leur comportement ne leur effleure même pas le cerveau !

Il parait que la révolution est imminente, que la conscience de classe se forge. Lorsque je vois le comportement de patrons qu’ont les gens dans leurs vies sexuelles, je me dis qu’il y a encore un énorme boulot à faire. Car je n’envisage pas une révolution sociale sans révolution sexuelle.

A BAS LA BOURGOISIE ET SES IDEOLOGIES : CAPITALISME, MILITARISME, COMPETITIVITE, RELIGION, FIDELITE, MARIAGE, HETEROMONOGAMIE !!!!!!!!